L’Echo du dev’eco
Gérer son entreprise en temps de crise
La crise de la Covid 2019 dure maintenant depuis presque un an. Ses impacts sont mondiaux, et selon toute vraisemblance, il se feront ressentir encore pendant des années. A l’heure actuelle, nous n’avons collectivement aucune certitude sur le temps qu’il faudra pour que notre économie remonte la pente. Mais très clairement, la perturbation ne s’est pas limitée à la durée du premier confinement, mais va courir sur des années. Dans ce contexte, comment piloter son entreprise ? Comment lui faire traverser le moins mal possible ce gros temps ? La thèse que nous voulons ici défendre est qu’il s’agit de passer d’une logique de performance, à une logique de résilience, vue comme la capacité à rebondir après un choc.
Dans le contexte épidémique, trois scénarios semblent se dessiner pour l’activité économique :
Un scénario en V, où après avoir chuté vivement, l’activité redémarre très vite.
Un scénario en U, où l’activité chute fortement. S’ensuit une phase étale, avant un redémarrage.
Un scénario en L, où l’économie rentre en dépression, et ne redémarre pas.
De ce que nous voyons aujourd’hui, c’est le scénario en U qui tient la corde. Nous sommes en effet déjà en récession, mais il semble possible que l’activité reparte selon un scénario en U, du fait de la réponse apportée par les gouvernements. En 2008, celle-ci n’avait pas été suffisante, et les États n’avaient pas réagi assez vite assez fort. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : de gros moyens ont été mis à disposition, et il y a bien un soutien au tissu économique de proximité, même si on peut bien sûr estimer qu’il n’est pas toujours suffisant. Le but affiché est d’empêcher à tout prix des fermetures d’entreprises. D’où le chômage partiel et les Prêts Garantis par l’État (PGE), ceci afin d’empêcher un scénario à l’américaine, où en avril le chômage a augmenté de plus de 20 millions de personnes en quelques semaines. C’est ainsi qu’en France, l’État paye les salaires via le chômage partiel. Même si cela s’avère très coûteux, c’est en revanche très efficace. La garantie des prêts vise à éviter la situation où une banque puisse refuser un prêt à une entreprise. Il existe aussi des mesures européennes, pour éviter des risques systémiques. La Banque Centre Européenne ouvre les vannes de l’argent, pour éviter que le système ne s’effondre faute de liquidités, dans une situation où chacun voudrait garder sa trésorerie pour lui. Tout ceci laisse à penser que l’on est plutôt dans un scénario de type U, avec un redémarrage possible en 2021, avec deux nouveaux outils financiers : les plans de relance français et européens. Dès lors, l’objectif devient de tenir jusque là en ayant la trésorerie suffisante.
Dans ces conditions, faut-il avoir peur de demander des aides à l’État, ou de recourir à un surplus d’endettement pour passer la crise ? Au contraire, il faut utiliser de manière résolue ces financements, même si on n’en a a priori pas besoin. Car c’est la trésorerie qui fait que l’on tient. C’est ainsi que toutes les grandes entreprises ont tiré au printemps des lignes de crédit. Car mieux vaut avoir trop de trésorerie et rendre, que pas assez et disparaître.
Dans ce contexte, quel serait l’endettement maximum d’une entreprise ? C’est à apprécier selon son besoin de trésorerie. A chiffre d’affaires égal, des entreprises ont des besoins en trésorerie différents. Mais quoi qu’il en soit, il paraît aujourd’hui judicieux de s’endetter, en fonction du montant de ses achats et de ses salaires, pour tenir la trésorerie jusqu’à l’arrivée réelle des vaccins. La gestion d’entreprise doit se faire par le biais de la trésorerie, en vérifiant sans arrêt son cash flow. En plus de cela, il s’avère indispensable de laisser le moins possible son argent dehors : les factures doivent être encaissées dans les délais les plus brefs possibles. De même, il faut reprendre la liste de ses fournisseurs, pour ajuster les achats au plus juste des besoins de l’entreprise. La gestion des stocks devient alors un point clé, qui permet d’éviter d’immobiliser de l’argent inutilement.
Plus largement, cette crise est le signe que les entreprises ne sont pas résilientes. La réflexion à mener devient donc : comment rendre son entreprise résiliente aux chocs externes ? Il faut pour cela penser que la vie des entreprises est cyclique. Pour une entreprise, une croissance permanente est impossible. Dans ce contexte, la relocalisation des flux est une réponse à l’enjeu de résilience. Cela permet de répondre mieux et plus vite aux chocs. Pour certain, un processus de démondialisation est déjà en route. La carte à jouer est celle de la relocalisation sur de petits territoires.
Dès lors, des changements forts doivent être opérés dans les entreprises : à l’interne, une organisation plus résiliente permettant une évolution dynamique, et à l’externe, une résilience par écosystème, mettant au premier plan la complémentarité, la mutualisation avec d’autres acteurs, afin de former des coussins d’amortissement en cas de chocs. L’agilité est une réponse collective. Il faut anticiper collectivement les chocs exogènes, et imaginer les réponses futures. Pour cela, il est indispensable de comprendre la dynamique des crises et de jouer le jeu de la coopération avec ses partenaires les plus proches. Animer cette approche est de la responsabilité des acteurs publics d’un territoire.
Focus : quelles est la situation actuelle des entreprises du territoire ?
Sur le Pays du bassin de Briey, les entreprises sont à plus de 90 % des Très Petites Entreprises (TPE). La succession des crises sanitaires et économiques a considérablement affaibli leur structure financière. Dès lors, le caractère tout à fait exceptionnel de la situation doit inciter les entreprises réticentes à avoir recours aux outils type PGE. A fin octobre, c’est ainsi que plus d’un tiers des entreprises de Meurthe-et-Moselle ont souscrit un tel prêt. Certaines l’ont sollicité d’entrée, alors que d’autres ont plus tardé, et se sont à l‘automne retrouvée dans une situation où leur trésorerie ne suffisait plus. L’État a de ce fait prolongé la durée pendant laquelle les PGE vont être proposés. A l’heure actuelle, sur les 300 milliards d’Euros prévus dans ce dispositif, seul 120 ont été utilisés au niveau national. Globalement, les entreprises de Meurthe-et-Moselle étaient faiblement endettées avant la crise. Pour sa tranquillité financière, une entreprise ne doit donc pas hésiter à souscrire (quelques milliers d’euros d’endettement pour une TPE ne changeront pas fondamentalement la donne, mais peuvent permettre de passer le cap), et surveiller étroitement son bas de bilan (les comptes de stocks et de fournisseurs) afin de préserver sa marge.
Dans le cadre de cette crise Covid 19,
– Le site de référence mentionnant toutes les mesures d’aides aux entreprises mises en place par l’Etat : https://www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises/les-mesures
– la Région Grand Est a également créé différents dispositifs ciblés pour soutenir les entreprises, notamment, la création du fonds résistance en partenariat avec les communautés de communes du territoire, decriptifs et contacts à partir de ce lien https://www.grandest.fr/covid-soutiens-entreprises/
Pour aller plus loin, article Les Echos Solutions, Piloter sa trésorerie en temps de crise (lesechos.fr), Etienne Krieger, Mai 2020.
Novembre 2020. Article écrit avec l’appui de « Kèpos (« Jardin » en grec ancien ») est une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), qui réunit à Nancy une vingtaine de jeunes entreprises engagées dans la transition écologique.